La Terre

Debout dans le hangar accueillant la Porte des Etoiles des terriens, le Capitaine était vêtu d'une tenue de combat noire n'arborant aucun blason sur ses manches hormis celui de la nation des Etats-Unis. Son casque sous le bras et le fusil d'assaut M4 en bandoulière, le soldat observait l'anneau de symboles tourner sur lui-même tandis que tour à tour, les chevrons s'illuminaient de rouge pour valider les coordonnées de la planète Eridani. Steven Mitchell était planté là, devant la passerelle d'embarquement, à côté d'une importante cargaison qui passerait au travers de l'anneau de lumière avant lui. Il observait la pièce, la baie vitrée du commandement dans le dos alors que l'opérateur annonçait les chevrons sous le regard bien veillant du Général. Les gardes fixaient le Capitaine et le toisait du regard. Désapprouvaient-ils son choix ou le pensaient-ils fou? Steven balaya cette pensée de son esprit et il patientait devant la Porte.

La nuit avait été courte. Tiraillé entre l'excitation de cette nouvelle aventure et l'inquiétude quand à l'abandon de sa vie actuelle, Mitchell ne parvenait pas à se convaincre du bien fondé de sa décision. Seule résonnait en lui la phrase que le Général avait dite:


Face à l'inconnue qui allait s'ouvrir devant lui au travers de cette porte qu'il s'apprêtait à franchir pour la première fois, Mitchell ressassait sa réaction, peut être trop impulsive. Qu'y avait-il derrière cet engin? Que faisait-il désormais. Le retour en arrière n'était plus possible et un million de questions se bousculait dans sa tête désormais. Il avait accepté le projet présenté sans hésiter et c'était maintenant, alors que le vortex allait jaillir de la Porte qu'il se posait toute sorte de questions.

Le dernier chevron s'enclencha alors et le vortex bleu se propulsa vers lui. Sous l'effet de surprise, il recula d'un pas, tout de même émerveillé par le spectacle. Ce n'est qu'après quelques secondes qu'il se rendit compte de la réalité dans laquelle il était. Il referme sa bouche, ouverte de stupéfaction et regarda les gardes, impassibles. Les cargaisons furent envoyées à travers la lueur bleue de la Porte et Mitchell regardait avec une soif avide de curiosité les ondulations de cette frontière entre ici et un autre monde lors de chaque passage d'un objet au travers. Une fois l'acheminement des cargaisons passés, le Général s'adresse au Capitaine Mitchell en lui souhaitant bon voyage, agrémenté d'un "bonne chance fiston" qui ne fit que multiplier ses doutes.

Mitchell s'avança alors sur la passerelle métallique qui résonnait à chacun de ses pas. Il marqua un temps d'arrêt devant l'immensité bleue, et l'effleura du doigt. C'était visqueux et froid. Il ne se retourna pas et se jeta dans l'horizon des éléments comme s'il sautait dans une piscine.

Eridani

En un claquement de doigts, il se retrouva de l'autre côté, désorienté et frigorifié. Il vacilla quelques peu et se rattrapa de justesse en posant un genou un terre alors que son casque roulait sur le sol. Un soldat s'approcha de lui après avoir ramassé son casque. Il aida Mitchell à se redresser et lui fit un sourire chaleureux.

- Ca fait toujours ça la première fois, mon gars !

Le Capitaine afficha un sourire forcé, encore décontenancé par l'expérience qu'il venait de vivre. La lumière bleue qui inondait la pièce disparut sans crier gare alors que le bruit du circuit de refroidissement de la Porte entrait en scène. Mitchell observait la scène alors qu'il récupérait son casque machinalement. La cargaison était déjà en train d'être amenée vers une autre pièce et les techniciens relevaient des mesures sur la Porte et d'autres appareils. Le soldait l'ayant accueilli lui fit signe de s'avancer. Il avait à peine fait quelques pas qu'on lui indiquait de déposer ses armes et son énorme sac sur un chariot. Il déclipsa son M4 et la posa sur le chariot alors qu'il peinait davantage pour ôter le sac contenant toutes ses affaires de ses épaules. Il le déposa moins délicatement sur le chariot et mis son casque au dessus. Au regard interrogatif de l'homme face à lui, il leva un sourcil sans comprendre ce qu'il voulait.

- Votre nom? dit-il sans cérémonie.
- Mitchell, répondit le Capitaine alors que le chariot emportant toutes ses affaires s'éloignait déjà.

Par la porte qui laissait partir le chariot emmenant toutes ses affaires, un individu entra en hâte. Il était châtain et faisait la même taille que le Capitaine. L'homme semblait être dans la même tranche d'âge et agité par le matériel arrivé en même temps que Mitchell. Il parla à un débit soutenu au soldat qui s'occupait de la cargaison nouvellement arrivée. Les deux hommes hochèrent de la tête et l'individu y ajouta un soupire que Mitchell ne put évaluer.

Le regard lubrique, il se jeta sur les femmes présentes. Certaines l'envoyèrent paitre. D'autres affichèrent un sourire aguicheur et engagé envers l'homme, qui découvrit des dents blanches. Il faisait immédiatement penser à un prédateur qui avait découvert une proie dans l'esprit du Capitaine. Il ne s'en rendit pas compte tout de suite, mais il le dévisageait et se redressa subitement quand il se tourna vers lui. L'homme se mit face à lui, les deux hommes faisaient la même taille. La position de son nouvel interlocuteur donnait un signe de défi pour le Capitaine. Voici mon territoire bleusaille, tu n'y toucheras pas. Ces paroles vinrent à ses pensées alors que l'homme se tenait devant lui. Il lâcha un flot incessant de questions alors qu'il tenait un bloc pour prendre des notes. Le manque de tact ôta toute courtoisie et bienséance au soldat.

Le regard noir, il s'empara du questionnaire de l'homme et inscrit quelques mots rapidement:

"Capitaine Steven Mitchell. Goûts particuliers: botter les fesses aux civils qui importunent les militaires."

La réponse cinglante et totalement écartée au questionnaire fut permise par l'analyse de Mitchell. L'individu n'arborait aucune décoration militaire, aucun grade. Il était de toute évidence un civil. Il n'était pas question que le Capitaine se laisse marcher sur les pieds par un gratte-papiers. Il posa sèchement le bloc sur les caisses de cargaison sans même poser un regard sur son interlocuteur et entreprit de trouver son chemin de son propre chef.

Le Capitaine fut intercepté par les deux hommes alors qu'il s'apprêtait à quitter la salle d'embarquement. Le civil se rapprocha et s'excusa rapidement de son comportement, mais le mal était déjà fait. Mitchell l'avait déjà classé dans une catégorie. Il le regarda sans y prêter une attention particulière et répondit sur un ton froid.

"Vous avez déjà mon grade, mon nom et mon prénom, il tapota sur son bloc note, 2 mai 84, Miami. Je viens des SEALs."

Devant son interrogation concernant le projet, le Capitaine se demandait s'il parlait de la Porte des Etoiles, qu'il venait de traverser pour la première fois. L'expérience avait été étrange, mais Mitchelle voulait la revivre une fois encore, pour ressentir une nouvelle fois cette sensation. La deuxième question le ramena à la réalité. Face au civil, qui le questionnait encore.

"C'est la première fois à travers la Porte. Et non, je ne connaissais pas ce programme avant mon recrutement. Maintenant vous me montrez mes quartiers où vous voulez savoir ce que je mange le matin et si j'ai bien profité de mes dernières nuits sur La Terre?"

Il fit un signe vers le couloir pour indiquer au civil qu'il ne voulait pas s'attarder sur les questions. Pas avec lui en tout cas. Il pensa également qu'il devrait se présenter au responsable de la base le plus rapidement possible: c'était le protocole.

"D'abord, ne devriez-vous pas me mener à la personne en charge, pour mon rapport?"