Ryan se voulait rassurant auprès du maître de Milla. Aussi ce dernier partit-il confiant.

Mais à l'expression "sur Eridani", Milla avait commencé à être perplexe.
Y avait-il là une subtilité de langage qui lui échappait ? Ou avait-elle mal compris le programme d'échange auquel elle avait souscrit ?

Malheureusement, plus Ryan se faisait loquace sur l'endroit où ils allaient et plus Milla devait se rendre à l'évidence : la Terre ne serait pas pour tout de suite, et elle partirait moins renseignée des us et coutumes que prévu puisqu'il lui faudrait intégrer celles des autochtones de cette planète (et vu le peu qu'elle savait déjà de la planète bleue... ) !

Et un furtif regard jeté à la dérobée en arrière prouva à Milla que son aîné était confiant dans la tournure des événements : sa silhouette quittait déjà la zone de portée de la plus tonitruante des voix.
Elle se pinça la lèvre de ses dents et se mit à espérer, espérer que les excursions sur Terre seraient, si ce n'étaient quotidiennes, au moins fréquentes.
Oui le discours de Ryan laissait miroiter de merveilleuses possibilités de travail et d'échanges ; oui son visage respirait une jovialité d'enfant et la botaniste apprécia le soin qu'il prit à porter sa plante et à la conseiller sur la traversée de la porte...

Mais Milla, une fois son "informateur" dématérialisé, se demanda quand même bien dans quel pétrin elle s'était installée... Et la sérénité d'Eon la fit réfléchir.

Pour elle, il devait tout savoir de ce qui l'attendait, et son mestr-kelenner ne l'aurait sûrement pas guidée dans ce projet si ce dernier était vicié.
Aussi s'approcha-t-elle du vortex et le contempla :

*C'est fou comme l'on croirait à de l'eau... *

Sa main survola la surface bleue, sans jamais oser ne serait-ce que la frôler. Enfin, elle s'immobilisa et prit une profonde inspiration :

*Quand il faut y aller... *

Elle avança d'un pas décidé en fermant vigoureusement les yeux.
Il lui sembla n'avoir fait qu'un pas d'une seconde à peine quand elle entendit :

_C'est bon mademoiselle, vous êtes arrivée.

Milla souleva une paupière, puis la deuxième et battit rapidement des cils.
La surprise se mêlait à une forme d'angoisse sur son visage.

*Des murs.... partout des murs... Aucune fenêtre, aucun rayon de soleil ou de lune, pas un courant d'air ! pas un brin d'herbe ! Ils m'ont enfermée !*

En temps normal, dans des conditions adéquates, Milla se serait contentée de trouver le lieu fort désagréable. Mais les troupes armées d'un côté, le stress accumulé dans la préparation de ce projet (dont elle attendait beaucoup) de l'autre déstabilisaient son sang-froid. A cela s'ajoutait une fatigue physique des derniers jours où elle avait oublié de se nourrir suffisamment sainement....

Elle avança d'un petit pas, survolant du regard les deux hommes qui se tenaient devant elle pour l'accueillir : Ryan et un autre humanoïde. Elle les percevait sans les voir : elle avait les yeux qui multipliaient les aller-retours sur leurs côtés.
En cet instant, elle était un peu plus pâle que d'ordinaire, respirait rapidement et paraissait bien frêle.
Enfin, sa vue se brouilla pour ne dessiner au mieux que des ombres et les sons semblaient lui parvenir de plus en plus difficilement.
Elle ne put finir le deuxième pas en avant qu'elle tomba inconsciente dans les bras des deux hommes (dont elle apprendrait plus tard qu'ils travaillaient dans le même département).

La chute de tension artérielle avait eu raison d'elle...

Ryan avait passé le vortex et cherchait avec désespoir un coin pour poser les affaires. C'est que la nouvelle avait un sacré attirail! En regardant vite fait les étiquettes, il constata avec amertume qu'ils ne seraient pas dans le même département. Mais bon, il la trouvait tellement adorable avec son côté timide et sa passion pour les plantes, qu'il irait souvent la voir. Du moment qu'elle ne travaillait pas pour le Docteur McKay... Au pire, cela serait amusant.

Il croisa Largo et lui refila une partie des livres. Il prit cependant le soin de poser la plante à part, histoire de ne pas l'abîmer. Il expliqua vite fait à son collègue italien la situation, quand la jeune femme passa le Jap'pai.

"Alors vous avez vu? C'est impressionnant! Pour ma part je ne m'en lasse plus. Si seulement on pouvait partir un peu en mission."

Cependant, la réaction de la botaniste n'était pas celle attendue par l'écossais. Trop de stress certainement. Ryan lui n'avait pas eu l'occasion d'y penser la première fois, vue qu'on l'avait royalement poussé à travers. Il pencha la tête sur sa gauche, puis sur sa droite, et ouvrit de grands yeux. "Mademoiselle? Tout vas bien?" Il se retourna vers Largo d'un air crédule. "Mince alors, elle est cassée!" Lui qui voulait faire qu'une simple boutade....

La belle commença à chanceler et les deux hommes se précipitèrent pour la rattraper. Ryan tapota légèrement le visage de la malheureuse, tentant de la réanimer. "Bloody Hell! J'espère qu'elle n'est pas claustrophobe. Hé oh Mademoiselle! Ce n'est que la base! Pas de panique, il y a de la vie dehors! Tu crois qu'on devrait l'emmener à l'infirmerie? Ou dehors?"

(pardon pour le court texte topine! Je me rattraperais au prochain)

Ce que Milla ignorait, et pour cause, elle était tombée dans les pommes (encore une expression avec laquelle elle risque d'avoir du mal niveau compréhension si elle se concentre sur le premier degré), c'était que sa chute avait été bien amortie par Ryan et Largo. Mieux valut qu'elle ne le sût jamais d'ailleurs : la perte de connaissance la gênerait déjà énormément alors, que ceci fût arrivé en public et qu'elle se laissât choir de tout son poids (au demeurant pas trop important) dans des bras étrangers, ce serait pour l'achever séance tenante !

Largo en esquissa un large sourire : tenir une femme, même extra-terrestre, dans les bras, en compagnie d'un autre homme pas trop mal fait de sa personne, était loin de lui déplaire !

Il répondit à Ryan suffisamment fort pour qu'il l'entende, mais pas assez pour que les autres personnes présentes perçoivent ses dires : les militaires étaient réputés pour ne pas avoir le sens de l'humour.

Largo : Pas tout à fait cassée puisqu'elle rrrespirrre encorrre ! Ainsi, de n'imporrrte quel pays et de n'imporrrte quelle planète, le charrrme italien fait des rrravages parrrmi la gente féminine ! Peut-êtrrre pas que chez elles d'ailleurrrs....

Et il fit un clin d’œil au linguiste à côté de lui.

Puis il reprit brièvement son sérieux, ne serait-ce que pour répondre à la dernière question de l'écossais :

Largo : L'infirrrmerrrie serrra plus apprrroprrriée. Sait-on jamais que l'airrr au dehorrrs n'empirrre les choses chez elle ! Puis.... quand un joli jouet est cassé, il faut trrrès vite le rrréparrrer !

Nouveau clin d'oeil : décidément, quand il avait une idée dans la tête...

Et les deux hommes escortèrent la demoiselle jusqu'à l'infirmerie.